Les jus de fruits possèdent de nombreuses qualités nutritionnelles (richesse en vitamines, minéraux, polyphénols et bêta-carotènes) qui en rendent la consommation intéressante. Que dit la science sur les liens entre consommation de jus de fruits et la santé ? Une étude approfondie de la littérature scientifique et en particulier d’articles récemment publiés apporte un éclairage tout à fait intéressant et beaucoup plus positif que ce que l’on entend sur le sujet.
Jus de fruits et santé cardiovasculaire
Les résultats des études disponibles sur les liens entre consommation de jus de fruits et risques associés aux maladies cardio-vasculaires (MCV) sont plutôt positifs et encourageants.
Tout d’abord, la vitamine C jouerait un rôle central dans un certain nombre de processus impliqués dans la pathogenèse des MCV. Elle participerait à garantir un bon maintien des mécanismes préservant les vaisseaux sanguins d’altérations possibles (vasoconstriction, anomalie de coagulation) et contribuerait donc à une bonne santé cardiovasculaire (1).
Une étude prospective (2) a mis en évidence une diminution significative du risque d’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) (-19%) chez des femmes qui avaient une forte consommation de flavanones un polyphénol à propriétés antioxydantes) (issus en grande partie d’un mélange de jus d’orange et de jus de pamplemousse, à raison d’environ un verre de 200 ml/j) contrairement à celles qui en consommaient peu.
Les études d’intervention, de plus en plus nombreuses, semblent encourageantes et en faveur d’un effet favorable des jus d’agrumes sur la fonction endothéliale dont l’altération est associée à un risque cardio-vasculaire. Notamment, deux études d’intervention ont mis en évidence, chez des individus à risque cardio-vasculaire modéré, une amélioration significative de la fonction endothéliale après la consommation journalière de jus d’agrumes (500ml/j soit environ 2 verres) pendant une période suffisamment longue (3, 4).
Des méta-analyses récentes ont également été réalisées sur le sujet afin de croiser les données de la littérature scientifique sur le lien entre consommations de jus de fruits et maladies cardiovasculaires. Il a ainsi été démontré qu’une consommation modérée de jus (jusqu’à environ 200ml/j) permettrait de moduler positivement certains marqueurs cardiométaboliques tels que le taux de cholestérol total ainsi que la résistance à l’insuline (5).
Cette consommation modérée permettrait aussi de diminuer les risques d’accidents vasculaires cérébraux (6,7). Cela peut s’expliquer notamment par la richesse globale des jus de fruits en polyphénols et autres antioxydants naturels (vitamine C, vitamine A et caroténoïdes).
La majorité des études portant spécifiquement sur les jus de fruits (et non les boissons sucrées) suggère que la consommation de jus des fruits n’est pas associée de façon significative à une surcharge pondérale, voire qu’elle pourrait même être associée à un statut pondéral plus favorable. Ainsi une étude clinique récente de 2022 (8) a mis en évidence, chez des sujets obèses et résistants à l’insuline, que le jus d’orange pourrait avoir un impact positif sur le métabolisme des lipides et les profils lipidiques sanguins protégeant ainsi contre l’insulinorésistance. La publication de résultats d’une grande étude de cohorte de 2022 (9), avec 78 286 participants, a également souligné qu’une consommation modérée de jus de fruits (150 ml/j) pourrait avoir des effets bénéfiques en ce qui concerne le poids et le tour de taille des consommateurs.
Ces résultats nécessitent cependant plus d’approfondissement pour être confirmés. Lorsqu’un lien est constaté (positif ou négatif), il est parfois difficile de savoir s’il est attribuable aux jus de fruits ou bien également à d’autres caractéristiques du comportement alimentaire des consommateurs (6, 10, 11, 12). Il est donc important d’approfondir les études sur le sujet bien que de plus en plus de résultats semblent indiquer qu’il n’y ait pas d’impact significatif d’une consommation raisonnable de jus de fruits sur l’augmentation du poids ou la composition corporelle des consommateurs comparées à des personnes n’en consommant pas (5).
Le diabète de type 2 est une pathologie multifactorielle, et plusieurs facteurs de risque ont été identifiés. Le surpoids et l’obésité (surtout l’obésité abdominale), le manque d’activité physique et une alimentation riche en lipides, notamment saturés, sont considérés comme les principaux facteurs de risque.
Plusieurs études ont examiné la relation entre consommation de purs jus de fruits et le diabète de type 2. Il s’est avéré que bien que les purs jus de fruits soient naturellement sucrés, leur consommation n’était pas ou peu associée dans la littérature à la survenue de diabète. Ces affirmations ont été notamment démontrées grâce à une large étude européenne de 2020 (13), qui a suivi 36 000 adultes pendant 15 ans. Les résultats ont ainsi démontré que la consommation de jus de fruits n’était pas associée à la survenue d’un diabète de type 2 que ce soit dans l’ensemble de la population étudiée, chez les faibles ou chez les forts consommateurs de jus.
Deux méta-analyse récentes de 2020 et 2021 (10, 14) confirment cela en étudiant la relation dose-réponse entre la consommation de jus de fruits et le syndrome métabolique. Ces méta-analyses ont ainsi mis en évidence qu’une consommation raisonnée de jus de fruits (autour de 75mL – 125mL) aurait même un effet protecteur.
Lors de l’analyse des différentes études que l’on peut retrouver dans la littérature scientifique (méta-analyses, études d’observation, etc.), il est également important de bien distinguer la consommation de « jus de fruits » versus la consommation des autres « boissons sucrées à base de fruits ». La distinction n’est en effet pas tout le temps précisé et des erreurs d’interprétations peuvent vite arriver. La clarification de la nature des boissons considérées dans les études est donc un critère important à prendre en compte lors des analyses et interprétations.
Chaque parfum de jus de fruits apporte une quantité spécifique de vitamines, minéraux et autres composants plus ou moins intéressants d’un point de vue santé. Une revue de 2021 a ainsi répertorié les différents effets positifs qu’auraient en particulier les jus d’agrumes sur la santé des consommateurs. Ces parfums sont riches en polyphénols tels que l’hespéridine, la narirutine et la naringine. Ces trois polyphénols se sont tous avérés avoir des effets dans le contrôle du stress oxydatif et de l’inflammation et dans le soutien des réponses immunitaires (17). En conclusion, la consommation de pur jus aurait donc bien un effet sur la conservation d’un bon fonctionnement du système immunitaire, même si d’autres études sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
Le système immunitaire assure la défense de l’hôte contre les organismes pathogènes. Un système immunitaire faible augmente la susceptibilité aux infections et permet aux infections de s’aggraver. L’une des composantes de la réponse immunitaire est l’inflammation. Lorsque l’inflammation est excessive ou incontrôlée, elle peut endommager les tissus de l’hôte et provoquer des pathologies. La limitation du stress oxydatif est un moyen de contrôler l’inflammation.
Les jus de fruits contiennent plusieurs micronutriments permettant de contrôler l’inflammation et de soutenir le système immunitaire. Tout d’abord, quand on parle de jus de fruits et d’immunité, on pense naturellement à la vitamine C. Par exemple, un verre de jus d’orange apporte environ 57 mg de vitamine C pour un verre de 150 ml, soit 72% des apports quotidiens de référence. Les propriétés antioxydantes de cette vitamine et son rôle protecteur vis-à-vis du système immunitaire sont bien établis et sont reconnus par les autorités de santé publique. Les cellules du système immunitaire peuvent en effet subir un stress oxydatif important lorsqu’elles sont sollicitées : la vitamine C les protège des effets des radicaux libres et permet que leur action contre les pathogènes soit plus efficace (15). Les jus de fruits étant parmi les 1ers contributeurs aux apports en vitamine C chez les enfants et adolescents et 2èmes chez les adultes (juste derrière les fruits), ils ont donc bien un rôle à jouer pour aider à garantir un bon fonctionnement du système immunitaire.
Les jus de fruits ont également d’autres composés bioactifs (minéraux, polyphénols…) qui sont aussi importants pour permettre d’entretenir et maintenir notre système immunitaire. Plusieurs méta-analyses et en particulier une récente de 2022 (16) se sont attachées à démontrer ces effets. Cette méta- analyse a croisé les données de 21 études interventionnelles et a permis de mettre en évidence qu’une consommation de pur jus de fruits aurait un effet significatif positif sur des marqueurs inflammatoires.
Dans le contexte habituel de consommation des jus de fruits (lors des repas, et avec un temps de contact avec les dents très court), les jus de fruits ont un faible pouvoir cariogène.
L’impact des jus de fruits sur l’apparition des caries dépend en effet très largement des habitudes alimentaires et des conditions de consommations. Toutefois, le principal facteur de risque est l’absence d’hygiène bucco-dentaire.
Contrairement à certaines idées reçues, la quantité de sucres consommée n’est pas le seul facteur favorisant l’apparition des caries. Les nombreuses études épidémiologiques menées au cours des vingt dernières années ont établi que le pouvoir cariogène des aliments et boissons était majoré par les deux facteurs suivants (18) :
Les jus de fruits sont peu concernés par ces deux facteurs car le temps de contact avec les dents ne dure que quelques secondes et ne laisse pas de résidus, et la consommation de jus de fruits hors repas est très limitée (19) (seulement 8% de la consommation des jus de fruits chez les enfants et 15% chez les adultes). De plus, les jus de fruits sont consommés principalement dans le cadre du petit-déjeuner et du goûter, accompagnés d’autres aliments qui contrebalancent l’acidité des jus de fruits (effet « tampon » sur l’acidité buccale) comme les produits laitiers par exemple.
Sachant que les comportements sont aussi importants que les critères physico-chimiques des aliments, l’UFSBD (Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire) recommande surtout d’éviter le grignotage et de bien se laver les dents après les repas (20).
SOURCE :
(1) Morelli MB, et al., Vitamin C and Cardiovascular Disease: An Update. Antioxidants (Basel). 2020; 9(12):1227.
(2) Cassidy A et al., Dietary flavonoids and risk of stroke in women. Stroke. 2012; 43:946-51.
(3) Morand C et al., Hesperidin contributes to the vascular protective effects of orange juice: a randomized crossover study in healthy volunteers. Am J Clin Nutr. 2011; 93 :73-80.
(4) Buscemi S et al., Effects of red orange juice intake on endothelial function and inflammatory markers in adult subjects with increased cardiovascular risk. Am J Clin Nutr. 2012; 95:1089-95.
(5) Motallaei M et al., Effects of orange juice intake on cardiovascular risk factors: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled clinical trials. Phytother Res. 2021; 35(10):5427-5439.
(6) D’Elia L et al., 100% Fruit juice intake and cardiovascular risk: a systematic review and meta-analysis of prospective and randomised controlled studies. Eur J Nutr. 2021; 60(5):2449-2467.
(7) Becerra-Tomás N et al., Fruit consumption and cardiometabolic risk in the PREDIMED-plus study: A cross-sectional analysis. Nutr Metab Cardiovasc Dis. 2021; 31(6):1702-1713.
(8) Santos KGD et al., Orange juice intake by obese and insulin-resistant subjects lowers specific plasma triglycerides: A randomized clinical trial. Clin Nutr ESPEN. 2022; 51:336-344.
(9) Buso MEC et al., Dose-Response and Substitution Analyzes of Sweet Beverage Consumption and Body Weight in Dutch Adults: The Lifelines Cohort Study. Front Nutr. 2022; 9:889042.
(10) Ruxton CHS and Myers M., Fruit Juices: Are They Helpful or Harmful? An Evidence Review. Nutrients. 2021; 13(6):1815.
(11) Pereira MA et al., Consumption of 100% fruit juice and risk of obesity and metabolic syndrome: findings from the national health and nutrition examination survey 1999-2004. J Am Coll Nutr. 2010; 29:625-9.
(12) Verduci E et al., Role of dietary factors, food habits and lifestyle in childhood obesity development: A position paper from European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition Committee on Nutrition. J Ped Gastro Nutr. 2021; 72(5):769-783.
(13) Scheffers FR et al., Pure Fruit Juice and Fruit Consumption Are Not Associated with Incidence of Type 2 Diabetes after Adjustment for Overall Dietary Quality in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition-Netherlands (EPIC-NL) Study. J Nutr. 2020; 150(6):1470-1477.
(14) Semnani-Azad Z et al., Association of Major Food Sources of Fructose-Containing Sugars With Incident Metabolic Syndrome: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Netw Open. 2020; 3(7): 209993.
(15) Sorice A et al., Ascorbic acid: its role in immune system and chronic inflammation diseases. Mini Rev Med Chem. 2014; 14(5): p. 444-52.
(16) Cara KC et al., Effects of 100% Orange Juice on Markers of Inflammation and Oxidation in Healthy and At-Risk Adult Populations: A Scoping Review, Systematic Review, and Meta-analysis. Adv Nutr. 2022; 13(1):116-137.
(17) Miles EA. and Calder PC. Effects of Citrus Fruit Juices and Their Bioactive Components on Inflammation and Immunity: A Narrative Review. Front Immunol. 2021 ; 12:712608.
(18) Van loveren C et al., Rôle de l’alimentation dans la prévention des caries. Cahiers de Nutrition et de Diététique. 2006; 41:341-346.
(19) Enquête CCAF (Comportements et Consommations Alimentaires en France) 2019 du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie).
(20) Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire (UFSBD) http://www.ufsbd.fr/